- NOURISTANI
- NOURISTANINOURISTANIRécemment convertis à l’islam, les Nouristani constituent le groupe ethnique le plus isolé et le plus mystérieux de l’Afghanistan. Autrefois appelés K fir (infidèles), ce sont des Indo-Aryens installés au sud de l’Hindoukouch. Leur origine est obscure. Selon la tradition, ils sont les descendants d’un peuple puissant venu de l’ouest. À l’époque de la conquête de l’Afghanistan par Alexandre de Macédoine, une population indo-iranienne, les Kamboja, aurait habité les régions comprises entre la Kunar et l’Indus, dans le pays de Kam. Cette population aurait par la suite reçu le nom de K fir parce que non musulmane et idolâtre. Les historiens de Mahmoud de Ghazni la mentionnent en relatant la pénétration des armées du sultan dans la vallée du Dara-e-nur, vers 1020. Quand Tamerlan passe près de la région, lors de son expédition en Inde en 1398, il lance une opération punitive contre les K fir. Dans les siècles qui suivent, ces populations sont victimes des raids lancés contre eux par le sultan de Kashgar; les empereurs moghols, Akbar et Jahangir, leur envoient des émissaires. En 1839, les K fir cherchent à entrer en contact avec les Anglais. Mais l’entrevue avec sir William H. MacNaghten, qui a lieu à Djallalabad, tourne court. G. Robertson explore les territoires k fir avant l’expédition de l’émir Abdur Rahman. Cet émir de l’Afghanistan se sert de la religion pour faire l’unité de son peuple et faire accepter ses projets et ses ambitions politiques. Sa conquête du K firist n en est un exemple: en 1895-1896, voulant consolider son pouvoir sur une région peu accessible, faire barrage aux missions chrétiennes et obtenir le soutien de son peuple et des forces religieuses, il convertit les K fir par la force. Cela lui valut le titre de Zia-ul-Millet-wa-Din («Lumière de la nation et de la religion»). Il reste, à la fin du XXe siècle, quelques milliers de K fir païens au Pakistan.La région nouvellement conquise prend le nom de N rist n, le pays de la lumière; l’islamisation s’y poursuit sous le règne d’Habibullah, lequel incorpore des Nouristani dans son armée; la conquête a pris la forme d’une véritable guerre sainte. Pendant tout le XIXe siècle, les K fir faits prisonniers par les Afghans sont réduits en esclavage; on en trouve à Kaboul, où leur prix varie en fonction de leur taille; en 1895, Abdur Rahman devait abolir l’esclavage. Il est à noter qu’avant de devenir musulmans sunnites les K fir étaient idolâtres. Leur dieu avait pour nom Imra ou Deguen. Ils adoraient un grand nombre d’idoles et honoraient la mémoire de leurs ancêtres, tous objets de cultes représentés par des statues faites de bois ou de pierre; ils leur rendaient hommage par des sacrifices d’animaux.Le pays des K fir est limité au nord par le Badakhshan, à l’est par le Chitral, à l’ouest par la Konar. Il est situé de part et d’autre de la frontière afghano-pakistanaise. C’est un pays de montagnes très boisées. Les villages y sont accrochés aux flancs abrupts et sont difficiles d’accès. Étagées les unes au-dessus des autres, les maisons ont des toits en terrasse et sont faites de bois richement sculpté. Elles comprennent des caves où sont gardés beurre, fromage et fourrage. À la différence des habitations des autres populations paysannes de ces régions, les intérieurs sont meublés de tables et de sièges en bois travaillé. Les hivers étant très rigoureux, les Nouristani les passent dans leurs villages. Les échanges d’une vallée à l’autre sont difficiles; aussi chacune d’elles constitue-t-elle un pays par elle-même; un dialecte parlé dans une vallée est difficilement compris des habitants d’une autre vallée. Les déplacements se font à pied. La société nouristani a gardé des traces de l’ancienne organisation sociale par caste. Au sommet de la hiérarchie sont les grands propriétaires, éleveurs et chasseurs; puis viennent les bûcherons et ceux qui travaillent le bois; enfin nous trouvons les esclaves ou travailleurs agricoles, qui vivent dans le bas des villages. Les affaires publiques sont réglées par les assemblées composées par les notables du village. Chez ce peuple de guerriers, la loi du talion est de règle. Le titre honorifique de kh n est rarement employé. La richesse se compte en têtes de bétail et en travailleurs agricoles. Les échanges de biens s’inscrivent encore dans une économie de troc: ainsi en est-il pour l’acquisition d’une maison ou la fixation du prix d’une femme; de même le menuisier reçoit pour son travail une vache ou une chèvre. À la différence des autres populations de l’Afghanistan, les hommes ne portent pas le turban, ils se couvrent la tête d’une sorte de béret de laine; autrefois, on distinguait les siaposh (vêtus de noir) et les safidposh (vêtus de blanc). Les femmes sont vêtues de noir et ne sont pas voilées. L’artisanat consiste surtout dans le travail du bois. L’exploitation des forêts joue une part importante dans la vie économique des Nouristani. Les cultures sont pratiquées à flanc de coteau (blé, millet). Jusqu’à l’islamisation, la culture de la vigne était très répandue, les K fir faisant grand cas du vin. Éleveurs, les Nouristani ont des troupeaux de chèvres et de moutons, qu’ils conduisent vers les alpages pendant les quatre ou cinq mois de la belle saison. Les villages sont alors laissés à la garde des femmes, qui travaillent aussi dans les champs. La base de l’alimentation est le pain et le beurre clarifié. Physiquement, les K fir présentent des caractères nordiques ou dinariques, ils sont dolichocéphales ou brachycéphales. Le nombre actuel des K fir est évalué à plus de cent mille. Les quatre dialectes principaux des Nouristani appartiennent au groupe des langues dardes (kati, ashkun, waigal, paruni). Le Nouristan a gardé une certaine autonomie malgré la conquête de la fin du XIXe siècle.
Encyclopédie Universelle. 2012.